Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 30-12-2014 18:12
Que penser du contenu de cette vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=JhFeQRYdVTM - A la suite de ce débat, la vidéo a été effacée début février. Par qui ? Vous la retrouverez en cliquant ICI
La science peut-elle contredire les faits au nom de l'impossible, comme le soutient Étienne Klein ?
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 30-12-2014 19:20
Non, il met simplement en évidence que l'on avait oublié un paramètre influent dans les investigations, la résistance de l'air.
Les faits sont plus complexes à analyser que les évidences grossières que l'on en tire trop rapidement avec un seul paramètre. ce n'est donc pas l'impossible qui aide mais l'addition des paramètres là où un seul est incomplet.
Il joue du paradoxe.
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 30-12-2014 20:36
Cher Olivarus,
La position d’Étienne Klein est très ambiguë (et quelque peu snobe). Il joue sur les contradictoires et les paradoxes, pour finalement admettre que l’observation avait raison, après avoir soutenu le contraire au nom de Galilée. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que ce même Galilée fût d’accord avec lui. Galilée était aristotélicien pour une bonne part.
Je m’insurge contre cette constante des scientifiques, qui par manque de rigueur intellectuelle, et sans doute en souffrance de notoriété, soutiennent ce genre de paradoxe, comme “l’impossible a raison contre les faits”, ou “la partie est plus grande que le tout”, ou “le temps se dilate”.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 30-12-2014 20:49
Vengez nous avec votre talent cher Guy.
Quand je lis les revues de vulgarisation scientifique, j'ai l'esprit qui oscille entre fiction, magie et la bienveillance de l'incompétent humble mais humilié.
Nous sommes devant un magistère qui se moque assez souvent du public.
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Charles Delaporte - Date : 30-12-2014 22:19
Le péché de l'idéalisme, vouloir à tout prix que le monde soit mieux et plus vrai dans sa tête que dans le réel. La quasi-totalité de l'argumentation de ce monsieur se serait écroulée si Aristote avait pris soin de préciser "Dans l'air" au début de sa loi de la chute des corps. Ce qu'il n'a évidemment pas fait tellement ça allait de soi dans son contexte à lui...
Si en plus il avait précisé qu'on n'a pas le droit aux parachutes parce que c'est pas du jeu, il avait tout bon !
Charles.
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Jean-Marie Brodin - Date : 30-12-2014 23:29
A la fin du 19eme, la nature ondulatoire de la lumière ne faisait plus beaucoup de doute, de même que son milieu de propagation, l'éther.
Tout était compris, connu, sauf comme le notait Lord Kelvin en 1892 :
"Il n'y a plus rien à découvrir en Physique aujourd'hui. Tout ce qui reste, ce sont des mesures de plus en plus précises. Il y a bien deux petits problèmes: celui du résultat négatif de l'expérience de Michelson et celui du corps noir, mais ils seront rapidement résolus et n'altèrent en rien notre confiance."
(Cité par Louis de Broglie)
(Exemple de certitude absolue de l'esprit d'un des plus grands physiciens du 19ème siècle)
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 31-12-2014 12:20
Chers tous,
Que nous dit ce cher Etienne Klein, centralien, docteur en physique, et directeur de recherche au CEA :
Galilée aurait découvert qu’il faut expliquer le réel empirique non pas par l’observation, mais par l’impossible. Aristote, selon lui, observe les phénomènes et les explique par les causes finales. Il ne dit pas comment un corps tombe, mais pourquoi il tombe. Il décrit tout ce qui est par l’usage qu’on peut faire de telle ou telle chose. Klein n’hésite pas à ressortir pour l’occasion cette vieille lune grotesque de Bernardin de Saint Pierre sur la finalité des côtes du melon. C’est assez amusant quand on sait que ce Bernardin fut Ingénieur des Ponts et Chaussées, et envisagea la carrière de mathématicien en plein siècle des lumières et du rationalisme qu’il partagea à sa façon. Mais sans doute Klein, qui montre son ignorance crasse en dehors de sa partie (nous allons le confirmer bientôt), ne sait-il pas lui-même d’où vient cette histoire de côte de melon.
Klein formule alors ce qu’il croit être la Loi de la chute des corps selon Aristote : un corps tombe d’autant plus vite qu’il est plus lourd. Loi conforme à l’observation.
Puis il reprend le point de vue de Galilée : la question n’est pas de savoir si la loi est conforme à l’observation, mais si elle est vraie. Pour cela Galilée remplace l’observation des faits par une expérience de pensée : il faut supposer une théorie, et imaginer ses conséquences sur le réel empirique. L’hypothèse de Galilée est qu’Aristote a raison : les corps lourds tombent plus vite que les corps légers. Puis il imagine une expérience avec une boule lourde et une balle légère reliées entre elles par une ficelle, fabriquant ainsi un système plus lourd que la seule boule lourde. Si Aristote a raison, ce système doit tomber plus vite que la seule boule lourde. Or, en fait, la balle légère va faire parachute, et le système tombera moins vite que la boule lourde. Donc, en supposant que la loi d’Aristote soit juste, on aboutit à deux conclusions contradictoires. La loi d’Aristote est conforme aux observations, mais fausse.
La loi de Galilée dit que pour résoudre ce paradoxe, la seule solution possible, c’est de supposer que tous les corps tombent à la même vitesse. Or, ce n’est pas ce qu’on voit, donc on doit réinterpréter les faits. Dans la chute des corps, il y a donc deux forces : la gravité, qui est la même pour tous, et la résistance de l’air qui varie selon les corps et fait varier leur vitesse de chute. Voilà donc un parfait exemple de loi physique vraie qui dit le contraire de l’observation : universalité de la chute libre.
Klein est un fat et un ignorant.
1°- Un fat de penser qu’Aristote, ou d’ailleurs n’importe qui d’un peu sensé, aurait pu croire qu’une boule ficelée à une balle tomberait plus vite que la boule seule, conformément à la théorie d’Aristote. C’est stupide et jamais Aristote ni quiconque ne prêterait quelque valeur que ce soit à son système de bouts de ficelle. Il n’y a que lui pour y croire, et comme il ignore tout d’Aristote, il l’accuse de cette imbécillité avec l’empressement et la légèreté d’un héros de jeu vidéo.
2°- Un ignorant. Que dit, en effet Aristote ? Tout le monde l’accuse de chimères tyranniques absolument invraisemblables, mais aucun de ses accusateurs ne prend jamais le soin de le lire attentivement. En cela, Galilée s’est montré un esprit bien supérieur à Klein. Il connaissait parfaitement Aristote et avait une forte estime pour lui. Je pense qu’il rigolerait bien de la petite vidéo à l’origine de cette discussion. Donc, que dit Aristote ? Voilà :
« Nous voyons, en effet, que les choses qui ont la plus grande impulsion, soit de lourdeur, soit de légèreté, les autres choses restant semblables, sont transportées plus vite sur une distance égale, et cela dans la proportion qui est entre leurs grandeurs. Ainsi en serait-il aussi à travers le vide, mais c’est impossible. Pour quelle cause, en effet, un corps serait-il transporté plus vite ? Cela est, en effet, nécessaire dans les milieux pleins, le corps plus grand divisant le milieu plus vite par sa force, car ce qui est transporté ou ce qui est projeté divise soit par sa force, soit par son impulsion. Donc, dans le vide, tous les mobiles auraient une vitesse égale ; mais c’est impossible … En effet, de même que si l’on plonge un cube dans l’eau, un volume d’eau égal à celui du cube sera déplacé, de même en est-il aussi dans l’air. Mais cela échappe à la sensation » (Physiques, Livre IV, ch. 8, 216a13 – a30, trad. Pellegrin GF 2002).
Que lisons-nous dans ce bref passage ? que contrairement aux billevesées de Klein, Aristote rattache expressément la différence de vitesse dans la chute des corps à la résistance du milieu. Au passage, il formule deux principes de science physique qui ne deviendront célèbres que bien plus tard : le principe dit d’Archimède et surtout, la loi de gravité, qu’on a “oubliée” jusqu’à ce que Newton – qui, contrairement encore à Klein, connaissait fort bien, lui aussi, la physique d’Aristote – ne la fasse sienne avec le succès que l’on sait. Si Aristote rejette ce dernier principe, c’est parce que, comme les physiciens actuels et contrairement à la physique classique de Newton, il sait que le vide absolu n’existe pas. il faut particulièrement noter ce que dit Aristote : « Donc, dans le vide, tous les mobiles auraient une vitesse égale ». Autrement dit, il énonce exactement la même loi de gravité que celle prêtée par Klein à Galilée : dans le vide, tous les corps tomberaient à la même vitesse, ce n’est que la résistance du milieu qui introduit des différences.
Saint Thomas, pour commenter ce passage, explicite ce qui n’est que suggéré chez Aristote dans les mots : “la proportion qui est entre leurs grandeurs”. « Dans le cadre d’un même espace, un corps plus lourd ou plus léger traverse plus rapidement [vers le bas pour le corps plus lourd ou vers le haut pour le corps plus léger], soit qu’il ait un volume plus gros mais un poids unitaire équivalent, soit qu’il soit de volume égal, mais de poids unitaire supérieur » (Commentaire des Physiques d’Aristote Livre IV, leç. 12, n° 539)
Autrement dit, il rattache la vitesse de chute à la densité des corps, et non pas à leur poids. Ce qui rend totalement grotesque le système de bouts de ficelle imaginé par Klein. Tout le monde n’a pas les moyens de jouer les hommes d’esprit.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Charles Delaporte - Date : 31-12-2014 16:17
Coucou Papou,
Quand tu auras fini de traduire tout Saint Thomas, et que j'aurai fini tous mes projets, je te propose un livre à quatre mains :
"Aristote pour les scientifiques d'aujourd'hui"
:-)
Charles.
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 31-12-2014 16:24
Cher fils,
Il y faudrait malheureusement plus que quatre mains, pour intégrer toute la dimension biologique, tout aussi ignorée et incomprise. Et je ne parle pas des sciences humaines et sociales.
... Mais pourquoi pas ?
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 31-12-2014 19:54
Etienne Klein a répondu à mon appel. Voici le mail qu’il m’a envoyé :
Monsieur,
Je ne sais si je dois vous répondre puisque que vous considérez que je suis un fat à l'ignorance crasse (Le mail que vous m'adressez n'a pas la tonalité de ceux que vous échangez avec vos amis...)..
Je le fais tout de même, pour vous dire ceci : soit vous me prenez en effet pour un imbécile, ce qui est votre droit et peut-être aussi le témoignage de votre lucidité, soit vous faites semblant de ne pas m'avoir compris, ce qui pourrait être votre problème.
J'ai dit simplement que les phénomènes physiques, en général, masquent voire contredisent les lois qui les gouvernent, et que du coup celles-ci, une fois dévoilées, paraissent au premier abord contradictoires avec l'observation. Bien sûr, ensuite, il faut revenir à l'observation et l'interpréter autrement qu'on le fit d'abord. C'est le sens de la phrase d'Alexandre Koyré : "le pari de la physique est d'expliquer le réel par l'impossible". Vous avez parfaitement le droit de la comprendre de travers.
Mais n'importe quel physicien, y compris ceux qui ne sont pas sots ni "en mal de notoriété", confirmera ce propos. Que je sache, les implications de la théorie de la relativité d'Einstein ne se voient pas lorsque vous prenez votre voiture ou un avion...
Je vous souhaite une belle année 2015. Étienne Klein
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Voici la réponse que je lui ai envoyée :
Cher Monsieur,
Soit vous me prenez pour un imbécile, ce qui est votre droit et peut-être aussi le témoignage de votre lucidité, soit vous faites semblant de ne pas m'avoir compris, ce qui pourrait être votre problème.
Peu m'importe, en effet, votre partie, pour laquelle je n'ai pas les compétences requises, seule m'intéresse ma partie, pour laquelle vous ne semblez pas avoir les compétences requises. N'ayant pas votre savoir, je trouve normal, et tout le monde pensera de même, de ne pas parler de vos sujets. Ce qui ne laisse pas de m'étonner, de la part des savants (car vous n'êtes pas le seul), même des plus grands esprits, c'est qu'eux se croient autorisés, sous prétexte d'être reconnus dans leur partie, de parler de ce qu'ils ne connaissent pas avec une insolence qu'ils ne toléreraient de personne.
Puisque vous m'avez fait l'amabilité de cliquer sur le lien que je vous proposais, vous avez donc pu lire que non seulement Aristote n'a JAMAIS écrit nulle part ce que vous lui prêtez – ce qui invalide définitivement votre expérience de pensée – mais que bien au contraire, il dit exactement la même chose que Galilée quelques 2000 ans auparavant. Il me semble qu'un esprit ouvert et objectif se montrerait pour le moins intrigué par un tel constat, si contraire à la bien-pensance paresseuse du siècle. Cela ne vous met pas mal à l’aise d’apprendre que ce que vous avez dit d’Aristote est pur mensonge ? Cela ne vous intrigue pas de découvrir qu’Aristote a formulé le principe d’Archimède quelques 200 ans avant l’intéressé, et le principe d’inertie plus de 2000 ans avant la physique classique ? C'est vous, n'est-ce pas, qui prêchez qu'il ne faut pas se fier aux apparences, mais rechercher les explications cachées ? Voilà une bonne occasion de le faire, non ?
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me répondre.
À mon tour de vous souhaiter une bonne année 2015 pleine d’expériences intellectuelles véritables.
Cordialement
Guy Delaporte
PS – 1 Il est évident qu’il faut définitivement abandonner des références comme Koyré, dont l’ouvrage vedette Du monde clos à l’univers infini est aujourd’hui totalement démenti par les avancées de l’astronomie. Il faudrait plutôt écrire Koyré le retour, de l’univers infini au monde clos.
PS – 2 Le sentiment de fatuité et d’ignorance est entièrement lié à votre vidéo. Je ne doute pas un instant que dans d’autres circonstances, il en va tout autrement.
PS – 3 Les implications de la relativité d’Einstein s’invitent au quotidien dans ma voiture, au travers du GPS, notamment. Il est vrai que malgré tout, cet appareil reste une “boîte noire” pour moi.
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 01-01-2015 10:57
Chers amis,
Pour aller jusqu’au bout de la pensée d’Aristote, sa “loi” de la chute des corps va au-delà de la seule relation à la densité. Elle est fondamentalement liée à la capacité des corps à “fendre l’air”. Autrement dit, prenons deux corps de plomb, de poids et de quantité de matière égaux. Mais l’un est en forme de flèche acérée et l’autre en forme de parachute étendu. Il est clair, pour Aristote, que le premier tombera plus vite que l’autre. La forme extérieure du corps rentre aussi en paramètre dans la véritable “loi de chute des corps” d’Aristote, qu’on nommerait donc plus opportunément “loi de capacité à fendre l’air” ou, de façon plus moderne, “aérodynamisme” ou coefficient CX.
Mais comment mettre cette loi en modèle mathématique ? Impossible ! Il faut pour cela des laboratoires de soufflerie très complexes. Vous avez là une raison pour laquelle Aristote jugeait qu’il n’était pas opportun de mathématiser la science de la nature, car il était trop attentif à la vérité ultime, et refusait les simplifications altérant l’exactitude.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 01-01-2015 11:17
L'aviation et l'automobile en quête de formes efficaces.
Aristote ultra moderne.
Cher Guy, bonne année.
J'ai trouvé que votre grenade chez Klein était dégoupillée sans sommations d'usage.
Lassitude du diplomate, overdosé toute l'année?
Si l'intéressé daigne réfléchir il passera par dessus la blessure d'amour propre (les plus longues à refermer) et entrera en philosophie.
Un diplomate vous en voudra d'être sorti de votre urbanité habituelle.
Il a sans doute tort.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 01-01-2015 13:53
Cher Olivarus,
Vous avez très certainement raison. Il est vrai que je supporte de plus en plus difficilement (symptôme des dégâts de l’âge ?) les esprits supérieurs qui condescendent à parler d’Aristote comme d’un simplet naïf qui aurait tyrannisé la pensée occidentale pendant plusieurs millénaires. Ils n’hésitent pas non plus à ravaler tous ses disciples au rang de pauvres pommes hébétées, jusqu’à ce qu’enfin apparaissent la lumière et la liberté avec Descartes et Galilée. Depuis, seule, bien-sûr, l’Église refuserait toujours d’entendre le discours de la science et de la modernité.
Un tel propos est évidemment parfaitement idiot et montre une ignorance crasse de l’histoire réelle de la pensée. Mais là n’est pas le seul problème. Il est tellement répandu, admis, banalisé, universalisé et surtout imposé, que plus personne ne mesure du tout la violence d’insulte qu’il véhicule pour qui recherche honnêtement la vérité. Si je devais parler ainsi de Galilée ou de Newton, je pense que je me ferais couvrir d’injures. Il y aurait pourtant de quoi, car, au fond, l’héliocentrisme est presque aussi caduc que le géocentrisme. Koyré, que Klein brandit comme autorité, est un excellent spécimen de ce diktat idéologique. Impossible, à mon époque, d’avoir son titre de Sorbonne sans un acte d’adoration à son livre Du monde clos à l’univers infini. Le titre lui-même est une incantation à la déesse raison et à sa tardive épiphanie au genre humain.
Au départ, je n’avais absolument pas prévu qu’Etienne Klein répondrait en personne, ni même d’ailleurs qu’il lirait mon message. Je n’imaginais nullement qu’un homme de son statut prenne le temps des quelque lignes qu’il a bien voulu envoyer. C’est plutôt à son crédit, car bien d’autres auraient traité mes propos par le mépris silencieux. J’en ai l’habitude. Mais les choses se sont enclenchées assez rapidement et si j’avais su, j’aurais peut-être pris plus de précautions.
Mais j’ai voulu mettre mon ton au niveau de la violence qui est faite à la vérité, afin de casser cette omerta confortable et que chacun prenne plus ou moins conscience du niveau de combat dont il s’agit. Je suis content que Klein ait mal réagi. N’importe qui, moi le premier, aurait fait de même ou pire encore. J’espère l’avoir intrigué derrière sa mauvaise humeur. On n’arrive pas par hasard au stade où il est parvenu ; il est, certainement plus que d’autres, homme capable de découvertes et de remises en cause. Par quelques mails privés qu’il m’a envoyés par la suite, il m’attaque un peu à la marge mais reste muet sur l’essentiel. Il s’est montré sceptique sur ma capacité à lui prouver qu’Aristote avait bien anticipé le principe d’inertie. Il pensait que je bluffais. Je lui en ai envoyé la preuve et lui ai demandé de m’indiquer où Aristote a formulé la loi de chute des corps qu’il lui prête. Il m’a promis de m’envoyer la référence au retour de ses vacances. Attendons donc.
Je lui ai aussi laissé entendre qu’Aristote avait également pressenti le principe d’Archimède, le vide quantique, le principe d’entropie, une vitesse finie et infranchissable dans l’Univers (avec Einstein, contre Newton), ou bien encore 1/2 gt2, avec un intéressant principe dérivé permettant de distinguer le mouvement artificiel du mouvement naturel (sans parler de l'effet papillon). Sans bien-sûr lui dire où, pour maintenir son attention. Mais peut-être s’en fiche-t-il comme de sa première culotte.
Voici la suite des échanges par mail que nous avons eus :
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From: KLEIN Etienne
To: Guy_Delaporte
Sent: Wednesday, December 31, 2014 8:49 PM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Et pouvez-vous me dire, s'il vous plait, où Aristote, dont je possède les œuvres complètes, a énoncé le principe d'inertie ?
From: Guy_Delaporte
To: KLEIN Etienne
Sent: Wednesday, December 31, 2014 11:14 PM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Cher Monsieur,
Bien volontiers, dès que vous m'aurez donné la référence des Physiques où Aristote énonce, selon vous, sa loi de la chute des corps : "Un corps tombe d’autant plus vite qu’il est plus lourd". Loi sur laquelle repose entièrement votre expérience de pensée.
Cordialement
Guy Delaporte
From: KLEIN Etienne
To: Guy_Delaporte
Sent: Thursday, January 01, 2015 12:08 AM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Entendu, je vous la transmettrai dès mon retour de vacances. Si elle n'existe pas, je vous le dirai et reconnaîtrai mon erreur. Mais je crois que vous, vous savez que votre référence n'existe pas.
From: Guy_Delaporte
To: KLEIN Etienne
Sent: Thursday, January 01, 2015 8:13 AM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Si, si, elle existe. Ce n'est bien sûr qu'une prémonition, et non pas un raisonnement scientifique au sens actuel. Comme vous y trouvez également une prémonition du vide quantique, ou de 1/2 gt2. Sur ce dernier point, Aristote donne d'ailleurs un intéressant principe de distinction entre mouvement naturel et mouvement artificiel.
From: KLEIN Etienne
To: Guy_Delaporte
Sent: Thursday, January 01, 2015 8:39 AM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Bref, en cherchant bien, tout est dans Aristote et le reste est dans Hegel...
From: Guy_Delaporte
To: KLEIN Etienne
Sent: Thursday, January 01, 2015 10:34 AM
Subject: Re: Galilée versus Aristote
Vous pouvez le prendre ainsi !
Pourtant, en lisant bien, vous avez aussi dans la Physique d'Aristote la prémonition du principe d'entropie, ainsi que l'idée qu'il existe une vitesse limitée indépassable dans l'Univers (avec Einstein, contre Newton). Sans parler de l' "effet papillon" dont je ne parlerai pas car je ne suis pas sûr qu'il ait une valeur scientifique.
Voici la première loi de mouvement donnée par Newton (vous connaissez, bien-sûr) :
« Tout corps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n'agisse sur lui, et ne le contraigne à changer d'état. »
Et voici ce qu'écrit Aristote :
« de sorte que [un corps dans le vide] soit restera au repos, soit sera nécessairement emporté indéfiniment, si rien de plus fort ne l'en empêche »
Vous voyez, je ne bluffe pas. Promis, vous aurez ma référence exacte lorsque j'aurai la vôtre. Il est impensable que Newton, qui connaissait bien Aristote, et qui a voulu sa science comme une Philosophie naturelle ne se soit pas inspiré de lui.
Cordialement
Guy Delaporte
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Affaire à suivre. Nous verrons bien sa réaction.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Cristian de Leon - Date : 02-01-2015 02:12
Cher Ph de B.,
j'ai écouté une ou deux conférences d’Étienne Klein sur le temps. Son approche est inutilement compliquée. Il cherche en premier lieu à isoler le temps pour l'analyser en lui-même. Ainsi il dit qu'il faut le distinguer du devenir, du changement et de tout autre vocable pour le discerner dans son essence. Aussi tente-il de le définir sans autre référence que le temps lui-même.
La question n'est pas de dire, puisqu'Aristote l'a dit, de s'en tenir à sa définition, mais de voir en quoi la définition d'Aristote est encore valable. En premier lieu, Aristote constate le temps, comme tout le monde. Il le situe dans la nature et nous dit que notre perception du temps peut varier selon notre relation à lui et les circonstances dans la mesure où un individu dort, s'amuse ou fait des tâches pénibles. En cela, rien d'original, mais il faut bien partir de notions qui sont communes à tous, car les opinions sont soit vraies ou fausses, il ne faut donc pas les négliger. Et puis cela fait partie de l'expérience.
Puis, il en vient à regarder les changements dans la nature, puisque c'est par là que nous avons une saisie de ce que nous nommons le temps. Or il nous est impossible de dissocier le temps de toutes les sortes de changement, cela est impossible.
C'est cette première approche qui doit être la manière d'aborder les réalités de la nature, une approche que je nomme terre-à-terre, puisqu'elle ne tranche pas entre les représentations vulgaires du commun des hommes, de celles, élevées, des savants. Et puis tout savant est un homme ordinaire sur bien des sujets.
Ainsi notre Stagirite, situant le temps dans la nature, le désigne comme le nombre du mouvement. En effet, le temps, c'est ce qui me permet de situer le passé, le présent et l'avenir. Et remarquons que même dans ma conscience, ayant une vision subjective du temps, la formule reste inchangée, même si je voyage à la vitesse de la lumière, même tombant dans le gouffre d'un trou noir, j'ai encore cette référence du passé, du présent et de l'avenir, car je ne peux m'extraire de ma condition matérielle en me situant au rang d'une substance séparée. Et si je ne tiens compte d'aucun changement, comment pourrais-je connaître le temps ?
C'est cette manière d'aller vers la complexité des choses naturelles qui est à mon avis, un des traits les plus agréables d'Aristote. Il pose d'abord les choses qui n'ont pas besoin de démonstration. Il attire l'attention sur les opinions que se font les hommes de telle ou telle réalité, questionne les savants et organise ses démonstrations après cette mise au point. Dans tout ce que j'ai lu de lui, je n'ai jamais rencontré du mépris.
Moi je suis convaincu que la science d'aujourd'hui cherche des réponses qui vont au-delà de la science comme telle. Mais comme beaucoup de savants pensent que la philosophie, on peut la faire chacun à sa manière (allez écouter une conférence de M. Klein sur la philosophie des sciences, c'est du grand n'importe quoi !), on en arrive à une grande confusion.
L'Aristote que j'aime, c'est celui de Saint Thomas. Quand je ne pige que dalle chez le Grec, je consulte d'Aquin. Et c'est ce dernier qui me le fait voir clairement. Et encore plus : c'est par ces références moyenâgeuses que j'arrive à comprendre, non pas la science dans tous ses détails, mais les principes même des sciences, principes qui ne peuvent pas changer. À moins que la science ne réinvente à sa guise la nature, mais est-ce encore faire de la science ?
Bon, j'ai terminé ce que j'avais à dire avec un peu de sentiments, question de souhaiter à tous les membres de cette noble assemblée une heureuse nouvelle bonne année. Bonnes lectures à tous !
Cristian
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 02-01-2015 06:50
Cher Christian, bonne année chrétienne 2015 ans après NSJC.
Vous avez raison, Pascal dirait que les principales vérités sont dans les méthodes. Bach nous signale que toute personne qui aura sa patience ira aussi loin que lui. (il ne manque pas d'humour).
Je note qu'Aristote comme tout vrai scientifique commence par faire l'état des lieux du sujet abordé chez les autres avant de se mettre en avant. Ici, chez Platon, Pythagore et cie avant de s'embêter à redire en moins bien ce que d'autres ont déjà travaillé avant lui.
Idem chez saint Thomas qui agit en héritier avant de se mettre en position de conquérant.
A la limite, référencer notre héritage suffit pour faire le tour de la plupart des questions abordées. Nous avons souvent par fatuité la volonté de nous exprimer alors qu'une simple investigation dans le patrimoine suffit à éclairer les questions posées.
Aristote n'arrive pas seul mais avec ses petits camarades antérieurs. Saint Thomas use et abuse des Pères et du capital antérieur y compris dans les méthodes, au point de s'effacer complètement, sa subjectivité disparaît alors totalement. Mes maîtres parlent et écrivent mieux que moi semble-t-il nous dire à chaque pas. je n'ai rien à ajouter.
On voit bien ici que lorsque nous marchons dans les méthodes des géants nous sortons de la débilité.
Je vous suis sur votre terrain, Klein, comme nous, gagnerait à répéter gentiment les anciens plutôt qu'à faire le malin. En les citant sans les piller plutôt qu'à les piller sans les citer.(ce n'est pas un reproche dans sa direction, mais son côté narrateur qui est en cause).
Guy prend l'avantage dans le débat puisqu'il montre qu'il a gentiment creusé un peu plus les savants de l'antiquité que son interlocuteur. Comme la plupart des savants se copient abondamment c'est une position éminente quasiment inexpugnable. Il faudrait qu'il s'excuse d'avoir gravi la montagne facilement en ayant pris la voie normale. C'est presque comique.
C'est notre tentation permanente, s'exprimer au lieu de rapporter, démarche où nous agaçons les autres au lieu de les informer.
La sainteté et la science avancent avec l'humilité. C'est la clé de la supériorité radicale du christianisme.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 02-01-2015 12:12
Cher Philippe,
À ce stade du débat et des échanges que j’ai eus avec lui en privé, qu’il continue de participer ou qu’il laisse tomber, de toute façon, cette réaction aura un sens.
Vous me reprochez mon ton. Puisque vous aimez les expériences de pensée, je vous en propose une. Nous avons vu qu’Aristote et Galilée disent rigoureusement la même chose à propos de la chute des corps. Imaginez donc la même vidéo mais où on remplace systématiquement Aristote par Galilée et réciproquement.
Quelque chose comme : “La loi de la chute des corps selon Galilée est que cette chute est proportionnelle au poids. Aristote veut montrer que cette loi de Galilée est conforme à l’observation, mais fausse. Pour cela, il imagine un système avec une boule de pétanque et une balle de tennis, reliées par une ficelle. Selon la loi de Galilée, ce système devrait tomber plus vite que la seule boule de pétanque. Or, on constate l’inverse. Donc la loi de Galilée est fausse.”
Supposez que j’enseigne cela à des étudiants du supérieur, et que je mette cet enseignement sur vidéo. Supposez que cette vidéo parvienne à l’attention d’Etienne Klein. Que pensez-vous qu’il dirait de moi ? Que je suis un fat et un ignorant ? À mon avis, il dirait dix fois pire.
Et encore, je n’ai rien suggéré sur la tyrannie obscurantiste millénaire de Galilée et ses explications finalistes. Je n’ai rien dit des côtes de melon, qui m’ont tant fait rire !
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Ph de Bellescize - Date : 02-01-2015 13:19
Cher Monsieur Delaporte
Vous avez écrit :
« Vous me reprochez mon ton. »
Il n'y a pas que vous qui était visé.
Sinon, pour le reste, je pense que dans un enseignement il est difficile d'être parfaitement exact sur tous les points que l'on évoque. Parfois il s'agit seulement d'illustrer une idée, mais cela peut entraîner des dérives graves et vous avez raison de défendre votre point de vue. Il serait, en effet, très dommage que la science actuelle ne s’aperçoive pas de la richesse de la philosophie d'Aristote, qui est à redécouvrir au delà d'une première approche qui peut rester superficielle. Le cœur de la philosophie réaliste c'est l'expérience et la causalité, cela reste important quelque soient les époques. Mais vous en savez bien plus que moi sur la philosophie d'Aristote.
Je crois que l'objectif d’Étienne Klein dans sa conférence est de mettre en valeur certains aspects de la démarche scientifique en regardant le rôle de l'expérience de pensée. Il faut bien se rendre compte que certaines questions réclament une variété de méthodes. On peut approcher la réalité en regardant les principes du point de vue de l'être, ou au contraire comme la science en regardant la cohérence dans la structure et le mouvement, et cela dans une connaissance des proportions quantitatives. Les deux méthodes se complètent, et chacun à tour de rôle peut pousser l'autre dans ses retranchements. Il y a des points qu'un scientifique très compétent peut n'avoir pas vu, il en est de même pour le philosophe.
La philosophie réaliste et la science peuvent se rejoindre dans un certain système de pensée commun dans lequel l'expérience de pensée a un certain rôle à jouer. Dans nos discussions vous avez eu tendance a n'accorder aucun rôle à l'expérience de pensée, alors qu'a mon avis ce n'est pas réservé au scientifique. La cohérence dans la structure et le mouvement peut être révélatrice des principes au niveau de l'être, et on a une manière d'aborder cette cohérence à travers les expériences de pensée. La démarche d’Étienne Klein met en valeur cet aspect.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 02-01-2015 14:03
Cher Philippe,
Je comprends votre propos sur l’intention de Klein. C’est d’ailleurs ce qu’il dit dans son mail de réponse que j’ai publié.
Mais nous n’en sommes plus aux petits écarts, aux petites erreurs, toujours possibles même parmi les meilleurs, dans le feu du discours auprès d’un auditoire. Non, nous sommes ici devant une erreur de principe. Si ce que dit Klein à propos d’Aristote est faux, alors c’est tout son raisonnement qui s’écroule, puisqu’il prend la loi (supposée) d’Aristote pour principe premier de toute son expérience de pensée, comme il le dit lui-même.
Or, c’est bien ce qui se passe. Qui donc au monde croirait qu’en attachant une balle de tennis à une boule de pétanque avec un bout de ficelle, l’ensemble tomberait plus vite que la seule boule de pétanque ? Personne, au grand personne ! Klein a crû pouvoir attribuer cette idiotie à cet idiot d’Aristote, pour les besoins de sa démonstration, mais pas de pot, il s’est pris les pieds dans le fil. Et ses boules lui sont retombées sur le coin de la figure ; heureusement que la plus lourde a été un peu ralentie par la plus légère ! Cela n’a rien à voir avec de supposés points de vue différents entre la science et la philosophie ; cela a juste à voir avec la santé mentale.
Or d’où vient une telle absurdité ? Reconnaissons que Klein est sans doute en partie victime de la bien-pensance obligée. Cela ne le dédouane cependant pas de ne pas avoir fait l’effort de s’informer en vérité, ou bien de reconnaître son ignorance (on ne peut pas tout savoir sur tout) et se taire à propos d’Aristote. Tant que des erreurs de ce type auront force de dogme scientifique officiel, nous n’en sortirons pas. Il faut, à mon avis, toujours protester véhémentement là où vous pouvez le faire.
Il est évident que désormais, Klein tournera sept fois son micro dans sa main avant de reparler d’Aristote devant une caméra. C’est déjà un petit point de gagné !
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Jean-Marie Brodin - Date : 02-01-2015 14:33
Il y a en effet un problème lié aux "légendes urbaines".
Beaucoup de gens les acceptent comme des vérités.
Peu de gens font l'effort de les vérifier et de revenir aux sources.
J'ai toujours été étonné, en allant directement aux textes d'origine d'Aristote ou de Platon, ou autres,(par exemple, sur le site "remacle.org"), de constater :
- Que le texte d'origine est beaucoup plus clair que ceux des commentateurs.
- Que les commentateurs ont souvent rajouté des choses qui ensuite, n'ont plus été vérifiées.
- Que les commentateurs ont oublié des choses qui sont ensuite restées oubliées.
C'est un vrai problème.
En ce qui concerne les "expériences de pensée" :
Celles-ci sont souvent utilisées par les Physiciens, comme support de leurs raisonnements. Mais il leur correspond nécessairement une "expérience réelle".
Par exemple, l'expérience de diffraction par deux fentes est une expérience de pensée. L'expérience réelle correspondante est la diffraction par un cristal.
Cordialement,
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Jean-Marie Brodin - Date : 04-01-2015 22:49
La Physique peut être considérée comme constituée de 6 grands domaines théoriques à chacun desquels peut être associé un jeu de principes (on peut augmenter cette décomposition en sous-domaines plus fins, par exemple, l'optique peut-être considérée comme un sous-domaine de l'électromagnétisme, etc.):
Mécanique classique
ElectroMagnétisme
Thermodynamique
Relativité Restreinte
Relativité Générale
Mécanique Quantique
Chaque domaine possède son propre jeu de principes.
Par exemple :
Relativité restreinte : constance et insurpassibilité de la vitesse de la lumière dans le vide. Identité de tous les référentiels galiléens. Etc.
En mode "vie quotidienne", il n'y a pas génération d'un nouveau domaine. La physique n'a, dans ce mode, "besoin" que de théoriciens et d'expérimentateurs, c'est à dire, en gros, de personnes ayant des talents en Mathématiques, en capacité d'observation, en ingéniosité, etc... Pourquoi ? parce que le physicien travaille alors au sein d'un domaine théorique dont il ne remet pas en cause les principes.
En mode "gestation", c'est-à-dire, quand il devient nécessaire d'accoucher d'un nouveau domaine théorique, fondé sur de nouveaux principes, la Physique a besoin d'une réflexion philosophique, sur elle-même, sur le monde, etc. C'est alors que sont requis des Einstein, des Heisenberg, etc.
Qu'est-ce qui a fait la différence, en 1905, entre Einstein d'une part , et Poincaré et Lorentz, d'autre part ? Pensez-vous qu'Einstein était plus fort en maths que Poincaré ? Que penser des réflexions philosophiques du jeune Heisenberg, dont le père était professeur de Philosophie ?
Depuis près d'un siècle, nous sommes en mode "vie quotidienne". Nous avons oublié les fondateurs de la MécaQ et de la Relativité, et nous débattons avec des physiciens de la vie quotidienne, d'où une perspective faussée qui nous donne à penser que le physicien n'a pas de réflexion philosophique.
Il est donc erroné, à mon avis, de dire, que, par nature, le Physicien ne serait pas Philosophe. Relire Daujat à ce sujet.
Cordialement,
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 04-01-2015 23:11
"Il est donc erroné, à mon avis, de dire, que, par nature, le Physicien ne serait pas Philosophe. Relire Daujat à ce sujet"
Par nature non, par formation j'en doute un peu. J'ai lu de Daujat "physique moderne et philosophie traditionnelle" il y a assez longtemps, Paulot aussi.
Je trouve qu'il n'y a pas tellement de vrais philosophes au sens classique du terme dans ce monde là.
J'espère avoir tort et que dans d'autres pays c'est différent de la France. Frédéric Guillaud, agrégé de philosophie et normale sup qui vient d'écrire son livre "Dieu existe" que je viens lire, trouve que la métaphysique et l'approche traditionnelle est omniprésente dans les pays anglo-saxons et inexistante en France.
J'espère pécher par généralisation abusive.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Jean-Marie Brodin - Date : 05-01-2015 21:25
"Frédéric Guillaud, agrégé de philosophie et normale sup qui vient d'écrire son livre "Dieu existe" que je viens lire, trouve que la métaphysique et l'approche traditionnelle est omniprésente dans les pays anglo-saxons et inexistante en France."
J'ai toujours trouvé que sur les forums en Anglais, on ne retrouve chez les Anglo-Saxons ni l'ignorance, ni l'hostilité envers Aristote que l'on trouve, non seulement chez les Français, mais aussi chez d'autres Européens, comme par exemple, les Hollandais.
Il est difficile de faire une statistique plus précise sur les différentes nationalités, en raison de différences notables de fréquentation.
Les plus représentés sont les Américains, les Anglais, les Canadiens, les Hollandais, les Indiens, et les latino-Américains. Il y a des Chinois, mais ils restent rares, en raison sans doute du fait qu'ils ont leur propre Internet (je ne pense pas qu'il s'agisse de la barrière de la langue, ni de restrictions d'accès Internet, car à ma connaissance, si Facebook ne passe pas le "grand firewall", l'accès à LinkedIn est autorisé). Il y a aussi des Arabes (du Moyen-Orient), et des Iraniens. Il y a peu d'Allemands, peu de Russes. Les Russes ont leur propre réseau (vk.com), ce qui explique peut-être leur faible présence sur les grands réseaux internationaux en langue Anglaise.
Les Indiens montrent un intérêt pour la philosophie conforme à ce qu'il fut dans leur histoire. Ils ont en général une très bonne connaissance de la philosophie occidentale moderne, et constatent souvent une convergence, depuis Spinoza en particulier, entre certains de leurs courants philosophiques, et certains des nôtres. Leur connaissance de l'Antiquité Grecque me semble moins bonne.
Bon, ce ne sont là que des impressions personnelles, sur des échantillons qui restent faibles numériquement.
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 21-01-2015 18:40
... Pas de nouvelles d’Étienne Klein. Peut-être est-il toujours en vacances !
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Ph de Bellescize - Date : 22-01-2015 14:50
Le ton qui a été utilisé dans cette discussion ne doit pas tellement inciter monsieur Étienne Klein à venir y participer.
L'objet de la conférence de monsieur Étienne Klein n'était pas de faire un cours sur Aristote, mais de mettre en valeur certains aspects de la démarche scientifique. Il a, en suivant cet objectif, peut être dit par maladresse des contre-vérités sur Aristote, ce que relève monsieur Delaporte. Mais ceux qui suivent la philosophie d'Aristote peuvent, à leur tour, dire des contre-vérités en ce qui concerne le monde physique. Certes la démarche philosophique est plus fondamentale que la démarche scientifique, mais elle peut, elle aussi se leurrer.
Je prétends qu'une réflexion sur la cohérence dans la structure et le mouvement, telle qu'elle est présente dans la physique, est d'un intérêt certain pour la philosophie. Une expérience de pensée, en fonction du domaine abordé, et si elle est bien choisie, peut avoir un rôle important dans la découverte de la vérité. Certains pensent que l'expérience de pensée citée par monsieur Étienne Klein est mal choisie, c'est en effet un point qui peut être discuté (cela serait intéressant d'échanger avec monsieur Étienne Klein sur ce sujet), mais c'est insuffisant pour remettre en cause l'utilité des expériences de pensée.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 22-01-2015 16:52
Cher Philippe,
Je pense que vous n’avez pas du tout mesuré l’énormité de l’erreur (bel euphémisme !) de Klein. Il ne s’est pas “trompé”, non, il a véhiculé en toute quiétude une idée reçue totalement fausse sur Aristote, sans juger nécessaire un seul instant de vérifier ses dires.
Et il se répète maintes fois. On trouve ce thème dans sa bouche, notamment ici : http://education.francetv.fr/videos/les-premieres-lois-de-la-physique-v104172 en 2005, ou encore ici : http://www.lesalonhec.fr/Compte%20rendu/klein.pdf devant un parterre d’HEC en 2012 ou encore ici : https://www.youtube.com/watch?x-yt-ts=1421828030&v=y3y1WVZSqE8&x-yt-cl=84411374#t=13 pour une chaîne TV consacrée à l’initiation aux sciences, etc. etc. C’est assez dire l’impact médiatique d’un tel discours fallacieux.
Et cette “erreur” n’est pas anecdotique, loin de là. Ce qu’il attribue à tort à Aristote lui sert en fait de premier principe pour développer une démonstration par l’absurde, sensée valider son propos sur Galilée. Si ce principe s’écroule, c’est sa démonstration en son entier qui s’écroule. En d’autres circonstances et sur d’autres sujets, Klein lui-même jugerait une telle attitude, venant d’une autre personne, parfaitement scandaleuse, anti scientifique, et tout à fait condamnable. Ce serait pour tout dire, le fait d’un ignorant et d’un fat, et pire encore, qu’il faudrait faire taire d’urgence.
Mais voilà, concernant Aristote, est-ce vraiment nécessaire d’avoir une démarche rigoureuse ? Il est tellement l’objet de fantasmes et de chimères dans le monde scientifique qu’on peut bien lui prêter toutes les absurdités qu’on veut. Une sorte d’esclave souffre-douleur à la main de savants désireux de briller dans le monde. Ne suffit-il pas de répéter après les autres ce que tout le monde annone sans réfléchir ?
Or il se trouve que quelques 2 000 ans avant Galilée, Aristote dit exactement la même chose que lui, du moins sur le plan des principes. C’est tout de même fort, non ? Pourquoi est-ce que personne ne le dit ? Pourquoi devrait-on continuer d’alimenter le complexe d’infériorité malsain du philosophe envers le savant ? Pourquoi ne crie-t-on pas : oui, Aristote avait déjà anticipé la loi de Galilée, mais aussi le principe d'Archimède, le principe d’inertie, 1/2 de GT2, la loi de l’entropie, le vide quantique, etc. etc., il y a 2 500 ans bientôt ?
Votre bonhomie me semble déplacée et complice. Il faut savoir parfois trancher, aussi bien en philosophie que dans l’action.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Ph de Bellescize - Date : 23-01-2015 11:40
Cher Monsieur Delaporte
Vous auriez pu engager la discussion avec Monsieur Klein en vous passant de certaines invectives. Ce qui est important c'est que les scientifiques et les philosophes ne restent pas chacun dans leur coin et qu'ils arrivent à échanger, et pour cela un minimum de respect est requis. Ce n'est pas parce qu'on ignore tel passage d'Aristote qu'on est un ignorant. Il suffit de signaler le passage, puis d'en parler.
Cordialement
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 23-01-2015 14:50
Cher Philippe,
Vous dîtes « Ce n'est pas parce qu'on ignore tel passage d'Aristote qu'on est un ignorant. Il suffit de signaler le passage, puis d'en parler »
Non, non, vous êtes totalement à côté de la plaque. Mon manque de respect pour Klein est exactement à la mesure du manque de respect de Klein pour Aristote. J’ai pu constater qu’il propage ce qui, à partir de maintenant, deviendra un mensonge de sa part s’il continue, comme un leitmotiv dans des dizaines de conférences ainsi que dans son livre sur Galilée. Ce n’est pas l’ignorance banale d’un fait parmi d’autres, il ne s’agit pas du tout de cela, mais bien d’un usage de faux pour servir de principe à sa cause. Vous ne voulez pas en convenir, croyant que du moment qu’on est scientifique avec des tas de titres, on est irréprochable. Libre à vous, mais ce n’est pas du tout mon idée, bien au contraire.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Delaporte - Date : 09-02-2015 17:00
... Intéressant ! La vidéo à l'origine de notre débat a été supprimée. Est-ce Monsieur Klein l'auteur de ce nettoyage ?
Toujours pas de réponse de sa part. Je pense qu'elle ne viendra pas.
Si oui, alors il va avoir du travail, car, en listant la somme de ses vidéos (plus de 300 citant Galilée), comme ICI, c'est presque partout qu'il débite la même calembredaine sur Aristote.
Cordialement
L'animateur
Re: Etienne Klein, Galilée et Aristote
Auteur : Olivarus - Date : 09-02-2015 17:11
Le monde est petit, vous êtes lu.
Vraisemblablement il accuse réception.
Hé! Hé!